samedi 13 février 2010

E. Le vin dans l'islam



Dans un chapitre du Coran intitulé « Les abeilles », le vin est présenté comme « une boisson enivrante et un aliment excellent ».Le vin abonde à La Mecque et à Médine (Arabie Saoudite), en particulier chez les juifs et les chrétiens, et l’islam plonge dans ses racines dans les cultures du Moyen-Orient qui, depuis la haute Antiquité, célèbrent le vin. En revanche, plus loin dans le Coran, il est présenté comme « l’œuvre du Diable », au même titre que les jeux de hasard. Le risque essentiel est celui de l’injure envers Dieu pour le fidèle qui serait en état d’ébriété. Il lui faut donc attendre l’au-delà où il sera permis d’en consommer à volonté, servi dans des coupes d’argent et de cristal, de la main d’éphèbes (jeunes hommes) éternellement jeunes.
Cette perspective réservée aux élus explique à quel point le vin fait rêver de nombreux musulmans. C’est aussi la raison pour laquelle beaucoup d’entre eux consomment avec plaisir du vin et de l’alcool non sans une certaine hypocrisie, puisque cela se passe en privé et entre hommes, y compris dans les pays où l’interdit est le plus fort, comme l’Arabie Saoudite, par exemple. La bourgeoisie parvient plus facilement à s’approvisionner que les résidents étrangers, dont certains confectionnent un « vin des expatriés » sur leur balcon en faisant fermenter du jus de raisin dans des jerricans. En Libye, vers Noël, certains étrangers reçoivent à leur domicile un colis de bouteilles de vin et d’alcool de la part du colonel Kadhafi, accompagné d’un mot : « Pour célébrer dignement vos fêtes religieuses ». Les Libyens ne se privent pas de venir profiter des joies illicites du vin chez leurs voisins tunisiens, bien plus tolérants sur ce point ; beaucoup de bars sont ouverts à cet effet près de la frontière. La montée assez générale du fondamentalisme musulman renforce aujourd’hui l’interdit de vin et d’alcool, et donc également le désir et le plaisir de la transgression.

Il est incontestable que l’islam a réduit la part de la viticulture partout où il s’est imposé, mais celle-ci s’est maintenue dans tous les pays où ont subsisté des communautés juives ou chrétiennes. C’est le cas du Liban, de la Syrie, de la Jordanie, de l’Egypte ou des pays du Maghreb. Par ailleurs, certains pays n’ont jamais totalement appliqué l’interdit. C’est le cas de la Turquie et de l’Asie centrale turcophone, mais aussi de l’Iran avant la prise du pouvoir par Khomeini en 1979.
Le monde turc fut tardivement converti à l’islam et a conservé beaucoup d’habitudes antérieures, celle de consommer du vin et du raki, par exemple. La fête du vin à Turfan, dans le Xinjiang (ouest de la Chine), est une bacchanale au cours de laquelle on boit beaucoup en dégustant des brochettes d’agneau dans les rues. Dans les oasis de la région, les Ouïghours cultivent la vigne depuis l’Antiquité, en vue de la production de raisin sec et de vin. Il s’agit d’un point de repère de l’expansion de la viticulture, partie du Caucase en direction de l’Extrême-Orient, le long de la route de la soie. Païens, puis chrétiens, puis bouddhistes, puis musulmans avant d’être gagnés par l’athéisme maoïste, les Ouïghours n’ont jamais cessé de s’intéresser au vin, d’en produire et d’en boire. Même arrangement avec la religion en Iran, y compris après l’arrivée au pouvoir des mollahs (1979). Pendant longtemps, Shiraz (ville du sud-ouest de l’Iran) a produit un vin réputé. Celui-ci était même exporté au XVIe siècle vers les missions catholiques de l’Inde.

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