dimanche 14 février 2010

D. Le vin dans le christianisme : l’interprétation de la Genèse


Aussitôt sauvé des eaux déchaînées, Noé scelle une alliance avec Dieu en plantant une vigne afin de produire du vin. Le texte de la Genèse est l’un des plus anciens témoignages écrits du rapport entre le vin et le divin. Aucune religion née dans le Croissant fertile et sur les rives de la Méditerranée ne l’oubliera plus. Dès le IIIe millénaire (av. J-C), les Mésopotamiens, buveurs de bière, importent le vin des confins des monts Taurus (Turquie) et du Caucase.
Dès son entrée dans l’histoire de la révélation de Dieu aux Hébreux, le vin se présente avec ses multiples facettes : séduisant, malicieux, dangereux, artisan de la joie, mais aussi du dépassement. La fascination qu’il inspire tient à ce qu’il est, comme le pain, fruit de la terre (donc de la Création des cinq premiers jours, d’après la Genèse) et du travail des hommes et que, une fois la fusion accomplie, la vie s’en empare.
Le processus de fermentation tiendra du prodige tant qu’on n’aura pas découvert l’existence des levures qui le provoquent. La pâte pétrie de farine et d’eau lève dans la tiédeur du fournil (= lieu où est le four) comme dans le sein d’une mère. Le jus de raisin s’échauffe dans la cuve, bouillonne, se colore jusqu’à ressembler à du sang. Ainsi apprivoisés par les ferments, cet aliment et cette boisson conviennent admirablement à l’appareil digestif humain. Avec un soupçon d’huile d’olive, un peu de fromage (lui aussi fermenté) et quelques fruits, ils constituent le fameux « régime crétois », gage de longue vie terrestre et de sveltesse.
Mais le vin possède une vertu supplémentaire : il engendre l’euphorie, sentiment indispensable à l’acceptation de la condition humaine, à la conscience de la mort. Ce qu’il procure se situe entre la paix, la joie et l’oubli. En boire réclame un peu d’abandon, sans refus de sa nature d’enfant de Dieu, sans se prendre pour Dieu Lui-même. C’est pourquoi l’interprétation de la Genèse selon laquelle l’arbre de la connaissance du bien et du mal serait une vigne est si belle. Une fois le péché originel commis (Adam et Eve croquent le fruit défendu), Dieu laisse aux hommes la consolation de l’usage de cette plante et de la boisson qu’on en tire. Mieux même, il leur confère une place centrale dans la Rédemption (rachat des péchés). Le Messie se compare à un cep dont ses disciples sont les sarments à qui il lègue l’eucharistie, mystère de son sang qui prend les apparences du vin. D’ailleurs, le vin que l’on boit lors de l’eucharistie est rouge, et a donc l’apparence du sang.

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